Parfois, le changement peut ressembler à la fin. Et en quelque sorte, c’est vrai : c’est la fin d’une version ancienne de nous. Une version à laquelle on s’est accrochée, malgré nous, malgré une certaine souffrance qui venait avec; car cette souffrance on la connaît, elle est familière, proche. Le fait qu’elle soit douloureuse, ça ne change rien. C’est moins épeurant que l’inconnu qui est derrière, le vide.
Le changement marque le décès de l’ancien, et par le fait même le renouveau. Une place se libère pour s’offrir au jaillissement de quelque chose d’autre. Cet «inconnu» réserve une évolution, un petit miracle intérieur. Mais on ne le sait pas tant qu’on n’a pas franchi cette porte, et on n’a aucune certitude.
Oui, il y en a une, en réalité : si on fait ce pas vers une vie plus élevée, et que cela ne fonctionne pas, cela nous mènera quand même à une prochaine étape. Cela nous fera sortir de l’impasse de la peur.
Vivre à cette époque équivaut à mourir un peu tous les jours, car la vitesse des changements que nous traversons, intérieurement, collectivement, énergétiquement, est grande, par moments écrasante. Nous ne cessons d’être challengées – par les médias, les situations, les relations.
C’est une bonne chose, au final. Encore une fois, cela nous permet de faire la place, de laisser mourir l’ancien. De guérir, on pourrait dire.
Et si on allait se coucher et on se réveillait sans toutes les histoires qu’on s’est créées, sans préjugés sur les personnes, les faits, sans nourrir aucune opinion, aucune attente, aucune rancune, aucune forme de supériorité ou infériorité, aucune peur?
Juste une plaine immaculée, prête à se faire arpenter.
Si on n’était pas tout ce qu’on nous a dit qu’on devait être, si on ne répondait plus à aucune attente extérieure, à aucun paramètre social, à aucune ambition, à aucun devoir hérité, qui serions-nous alors vraiment? Qui serait aux commandes de notre existence?
La vie qu’on peut mener d’ici serait beaucoup plus ample, cohérente, sans barrières, sans projections, sans sentiers déjà tracés, sans lubies.
Quand on change, on meurt un peu, mais c’est la part de nous qui n’était pas vraie qui nous quitte, la part artificielle, la vieille peau trop étroite. Ce sont les narratifs qu’on s’est racontés et qu’on a soignés, cultivés et recrachés pour justifier le reste, qui nous quittent. Ces histoires étaient là pour réconforter une partie blessée de nous, une version qui se sentait impuissante.
Changer c’est souffrant parce qu’on s’ampute d’une idée de nous, même si cette idée était une croyance limitante ou une peur.
Changer c’est souffrant parce qu’on a oublié en réalité la beauté de l’impermanence de la vie, qui mute avec grâce, incessamment, naturellement et sans retenue.
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Image par Christian Supik (Fotografie) + Manuela Supik (Design) de Pixabay